Plusieurs pasteurs s’activent pour donner à leurs frères et sœurs de quoi supporter cette crise liée à l’épidémie du coronavirus. Comme elle atteint désormais la terre entière, il me semble bon d’en avoir une perception œcuménique, c’est-à-dire d’élargir notre regard à la dimension de l’être humain tout entier, tant dans sa dimension personnelle que dans sa dimension communautaire et sociale. Et ceci pour rendre possible une croissance spirituelle et psychologique et nous permettre ainsi de tenir bon dans cette crise afin d’en faire une occasion favorable.
I. Plaidoyer en faveur d’une ample perception de soi et des autres ;
Or voici que, depuis de nombreuses années, je suis de plus en plus convaincu de ce que l’être humain d’aujourd’hui est un être souvent blessé, voire mutilé. Il ne se perçoit plus comme un tout : au mieux, en effet, il a le sens de son corps, de son âme, plus rarement, de son esprit, parfois. Notre réflexion chrétienne doit aider nos contemporains à prendre à nouveau conscience du fait que l’être humain est pleinement quand il prête également attention à être à la fois corps, âme et esprit. C’est dire si nous devons être également attentifs à nourrir notre âme et notre esprit que notre corps, et donc à prendre conscience que les carburants propres à chacune des composantes de notre être sont bien différents.
II. Plaidoyer en faveur d’un équilibre entre la légitimité de notre être personnel et de notre dimension relationnelle ;
Nous devons aussi prendre davantage conscience de cette salutaire tension entre la légitimité de notre être personnel et de notre dimension relationnelle, également constitutive de notre être humain. Cet équilibre entre ces deux dimensions est difficile à trouver, en particulier dans les périodes de crise. Comment pallier l’absence de contact avec nos proches et avec ceux que nous rencontrons dans le quotidien de nos jours ?
Je crois que la première attitude à rétablir consiste à veiller tous les jours à prendre contact par téléphone avec l’un de nos proches, à s’enquérir de sa santé, tant au plan corporel qu’au plan psychologique et au plan spirituel, puisqu’il est vrai que chacun se porte mieux quand il est le mieux possible corps, âme et esprit !
La reconnexion entre ces différentes composantes de notre être unique est bien évidemment davantage possible en ce temps d’arrêt et de confinement. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, cette crise peut vraiment être le temps d’une occasion favorable ; aussi saisissons-la les uns et les autres, en prenant soin de nous-mêmes et de nos proches.
III. De la nécessité de percevoir plus fortement le lien entre spiritualité chrétienne et bonne santé psychique
Je crois qu’une des plus fortes intuitions du christianisme durant ces derniers siècles se trouve dans cette articulation dynamique entre la spiritualité chrétienne et la psychologie, ceci produisant un bénéfice majeure pour la santé psychologique des êtres humains. En cette période de crise sanitaire, et en raison de l’importance relativement grande de la mortalité, il me paraît sain voire salutaire de reprendre en considération cette articulation. La spiritualité chrétienne, parce qu’elle consiste à saisir l’appel à changer de regard envers tout prochain rencontré, entraîne à un moment ou à un autre du cheminement de chacun un changement d’attitude vis-à-vis d’autrui. Je prends un seul exemple : l’appel de Jésus à aimer nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutent (Matthieu 5, 44) peut être accueilli par nous comme un appel à changer d’état d’esprit ainsi qu’à changer d’attitude vis-à-vis de ceux qui se dressent contre nous, en ne nous posant plus contre eux avec un sentiment de haine et un comportement violent. Nous sommes ainsi amenés à adopter un comportement non-violent, ce qui n’a jamais signifié une absence d’action, bien au contraire. L’action proposée ainsi par l’A.C.A.T à l’égard des bourreaux ne consiste pas ainsi à approuver leur action ni à se taire face à celle-ci mais à prier pour eux afin qu’ils accèdent à une prise de conscience difficile et soient éclairés afin de changer radicalement de comportement. Il me paraît évident que ce changement d’attitude est évidemment proposée à tous les militants et sympathisants de l’A.C.A.T afin qu’eux-mêmes soient activement témoins de ce changement d’attitude et de comportement.
Ainsi le changement au plan spirituel peut déboucher sur un égal changement psychologique en faisant vivre à celui qui est en train de changer une égale maturation de sa vie au plan psychique. Des pages écrites par Dietrich Bonhoeffer et qui se situent dans son ouvrage De la vie communautaire me semblent particulièrement susciter ce travail sur soi aussi bien au plan psychologique qu’au plan spirituel
Bon chemin de croissance au plan corporel, psychologique et spirituel…
Fraternellement à chacune et chacun.
Yves NOYER