Pâques consiste à se heurter à l’absence de Dieu

Briser les coquilles où nous enferment nos pieuses respectabilités.

Ce samedi, entre mort et résurrection, recouvre la part adolescente de la vie.
Reclus dans un silence désolé et bavard, travaillés en sourdine par des passions interlopes, nous allons devoir franchir le mur des images qui nous collent à la peau.
Briser les coquilles où nous enferment nos pieuses respectabilités.
S’aventurer à accueillir l’autre comme irréductible à notre convoitise, se laisser saisir par le désir qui échappe. Plus que jamais, « tannés d’être embarrés »1 que nous sommes, ces mots nous parviennent aiguisés. Réussiront-ils à inciser nos cuirs ? Le choc permanent entre fantasme et réel de l’autre est le big-bang de la vie adulte.
Au fil des siècles, la chrétienté a pris l’habitude de Pâques triomphantes. Avec une arrogance adolescente et compulsive elle agite ses slogans magiques, dont on ne sait si elle essaie d’y croire ou s’ils lui servent de fétiches superstitieux. Les premières femmes au tombeau étaient plus sincères, plus réalistes, plus conséquentes : elles s’enfuirent parce qu’elles avaient peur. C’est ainsi que se clôt le premier récit de Pâques2.
La résurrection de Jésus ne relève pas d’une vérité irréfutable. Le ressuscité n’apparaît jamais qu’à ses disciples3, soit marqué par les stigmates de la mort, soit comme un inconnu. Réel de
l’autre. La foi pascale s’enracine ailleurs que dans un constat objectif. Elle naît en même temps qu’une subjectivité nouvelle, adulte. Et c’est un païen, qui le premier la confesse : voyant comment il avait expiré, le centenier romain dit « véritablement, cet homme était le fils de Dieu ».
Pâques ne consiste pas à claironner la présence de Dieu mais à se heurter à son absence. À la laisser faire effraction dans nos certitudes, lézarder le fantasme de plénitude et dans la fissure révéler un chemin qui nous attend. Vers un peu plus de foi, adulte.

1 En bon québécois : on en a assez d’être enfermé
2 Évangile selon Marc, chapitre 16, verset 1 à 8. La suite est un rajout postérieur.
3 Du moins, il n’y a que les disciples à attester de ces apparitions.

Didier Fievet

Contact