On ne peut jamais posséder la foi

D’après le livre des Actes d’apôtres, chapitre 5, versets 1 à 11

C’était le bon temps de l’Église, ils s’aimaient tous et partageaient tout ! Sauf que le bon temps porte en lui du tragique : le premier des miracles de l’Église (c’est la première fois que le mot Église apparaît dans la Bible). Et ce fut un miracle de taille. Il a tué deux personnes d’un seul coup. Pour une Église de l’amour, ça sent le roussi.

Oh, il faut vous dire que ces deux-là l’avaient bien mérité : ils avaient vendu un champ (on leur avait dit que c’était bientôt la fin du monde) et ils n’avaient donné à la communauté que la moitié du prix. L’autre, ils l’avaient mise à gauche (si j’ose dire). Et les voilà donc justement foudroyés du même feu vengeur (second degré de ma part, pour qui en douterait).

D’autant qu’on ne leur avait rien demandé. Ils n’avaient qu’à tout garder.

Mais ce serait sans compter sur la tentation de toujours : me donner une consistance, me construire une identité. Les fidèles doivent toujours en rajouter pour se sentir dignes d’être appelés tels. Dans une permanente surenchère. Prétendre distinguer les vrais croyants des faux, les purs des impurs, les fidèles des infidèles conduit à la mort.

On peut peut-être acheter et vendre des champs, prétendre posséder la terre. On ne peut jamais prétendre posséder la foi. On n’a jamais la foi. Les disciples sont toujours des hommes et des femmes de « peu de foi ». Quand tout va au mieux, c’est elle qui nous prend, l’espace d’un instant. Dès qu’elle devient une propriété à défendre, elle devient nationaliste. Dès qu’elle devient une identité à propager, elle devient impérialiste. Dès qu’elle devient assertion inoxydable, affirmation sans trouble, évidence limpide, elle devient sectaire.

Pourtant, l’instant où je suis saisi est décisif. Il réoriente mes pas. Vers un toujours à venir, vers un toujours à accueillir. Il est décisif parce qu’il est ouverture.

 Didier Fievet

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