Là où tu iras, j’irai

Chères amies, chers amis, Je vous propose une petite méditation en cette période d’angoisse, où nous oscillons entre panique et dénégation, entre agitation obsessionnelle et bravade aveugle. Ne cherchez aucune morale dans mes propos. Juste les échos provisoires qu’un texte éveille en moi, et que je souhaite partager. Pour vaincre la solitude, pour susciter vos réponses, pour profiter de cette crise afin d’entrevoir de nouvelles perspectives. Je me propose de réitérer cet exercice plusieurs fois la semaine. Nous pourrions ainsi tisser entre nous un petit espace d’échange, de méditation, d’espérance partagée. Vos réactions sont donc attendues, souhaitées et bienvenues. J’adresse ces lignes à une large part des personnes de mon carnet d’adresse, de France, de Bretagne, et du Québec : face à la mondialisation du virus, la mondialisation de la fraternité ! Didier Fiévet

Au sortir de ma douche (1), j’avais ces quelques versets en tête, pris dans le livre de Ruth :
Mais Ruth répondit : « N’insiste pas pour que je t’abandonne et que je retourne chez moi. Là où tu iras, j’irai ; là où tu t’installeras, je m’installerai. Ton peuple sera mon peuple ; ton Dieu sera mon Dieu.
Là où tu mourras, je mourrai et c’est là que je serai enterrée. Je le jure par le nom du Seigneur, seule la mort me séparera de toi ! »

Nous connaissons l’histoire : une famine avait poussé Alimélek et sa femme Naomie àémigrer en terre étrangère, Moab (2). Ils avaient deux fils qui prirent femme en ce pays d’emprunt. C’était là, désormais, leur vie. Émigrés, mais vivants, vivants parce qu’émigrés. Un avenir s’ouvrait à eux. Mais voilà que le père et les deux fils meurent, la précarité un temps refoulée refait surface. L’avenir s’obscurcit : la mort a tué et menace de tuer encore, comme une réaction en chaîne. Un peu à la manière d’une épidémie, quand le risque sanitaire rivalise avec le risque
économique. Alors, retour à la maison ! On se recroqueville dans son passé. Dans ses croyances. Sauf Ruth. Ruth joue une autre carte, risquée. Celle de l’avenir solidaire.
Je n’ai surtout pas envie de célébrer une solidarité aveugle. Morbide et mortifère, style  »Roméo et Juliette » où l’on s’entraîne l’un.e l’autre dans la mort. Ce qui retient mon attention dans cette histoire, c’est au contraire que la solidarité de Ruth va ouvrir pour elle un nouvel avenir. Ruth, la maudite, Ruth la trop jeune veuve, Ruth l’amoureuse de sa belle-mère, Ruth va trouver un autre destin que celui qui semblait écrit : rencontre arrangée par Naomie, avec Booz. Elle va porter en son ventre le grand père de David (3). Dans ce sein prend racine un nouveau monde qui du malheur va faire la matrice de la confiance. Retour au pays d’une promesse première.
Je n’ai surtout pas envie de laisser croire à une bondieuserie béate qui recouvrirait la mort d’un voile d’inconscience. Je parle plutôt d’une confiance à même l’angoisse, à même le
drame : l’histoire est plus grande que nous. Les accrocs de son manteau sont autant de trouées qu’il peut nous être donné d’habiter de confiance. La nuance peut paraître ténue, mais…
C’est une confiance qui nous est donnée, transmise par l’autre, nous autres ! Comme une graine jetée en terre. C’est une confiance qui apaise : un monde s’écroule, un monde s’en vient (expression made in Québec, mais venue de nos campagnes !)
C’est une confiance qui mobilise, qui donne sens même aux consignes de santé publique : pas seulement des moyens de survie, mais un chemin de vie !

(1) Je ne chante pas sous ma douche : je chante trop mal ! Alors mes pensées s’égarent
(2) Voir Gn 19. Les moabites issus de la relation incestueuse, entre Loth et l’une de ses filles, étaient considérés
comme l’ennemi impur de toujours.
(3) Matthieu la mentionne dans la généalogie de Jésus, parmi les cinq femmes (toutes « sulfureuses ») de cette
énumération : le destin programmé a été mis en échec !

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