La fin du mépris

D’après le livre des Actes des apôtres, chapitre 3, versets 1 à 7

Tout mépris recouvre une méprise : me projeter dans l’autre, y saisir la déchéance qui pourrait être mienne, et l’y réduire pour m’en protéger. Ça partait pourtant bien : être capable de se reconnaître en l’autre, c’est le moins qu’on puisse faire pour qu’un peu d’humanité circule. Mais cette capacité recèle en elle un mot terrible : la pitié. Dangereuse. Méprisante.

On raconte l’histoire de Pierre et de Jean qui montaient au temple, quelques temps après la mort de Jésus. Sur le parvis, chaque jour, on portait un estropié. Au moins survivait-il ainsi, dans le cul de sac de chaque jour. Pierre et Jean le regardent et lui demandent de les regarder en retour. Face à face. Mise à égalité. Qui de l’un ou de l’autre est le mendiant ? D’autant que Pierre l’avoue, il n’a ni l’or ni l’argent que l’infirme demandait. Mais au nom de Jésus-Christ, Pierre le saisit par la main, et le relève.
La force d’un verbe. Verbe incarné. J’ai déjà évoqué la condition humaine comme un « trou avec des mots autour » (#10). Et parmi ces mots, certains qui remettent sur pied.
Qu’on s’entende bien, il ne s’agit pas de conseils : « tu devrais … » ni de paroles religieuses : elles n’enjoignent ni n’enrôlent. Il s’agit de mots dont nul n’est maître mais qui redonnent la confiance nécessaire pour marcher. Pour certains, ces mots portent le nom de Jésus-Christ.
Que recouvre ce nom ? Un immense mépris, on l’appellera le maudit. Recouvrant une immense méprise, il cristallise sur lui la haine que portent à Dieu ses adorateurs. Ils trouvent en lui le bouc émissaire pour dire leur révolte contre le ciel que leur pieuse servilité leur interdit.
Mais pour ceux qui lui accordent sa confiance, ils y voient au contraire l’image brisée de Dieu. Alors ce nom signe la fin du mépris où nous tenait le malheur.

Didier Fievet

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