Un même mot grec, épithumia, semble dire à la fois le désir et la convoitise qui sont souvent considérés comme synonymes.
Sauf qu’on sait bien que convoiter renvoie à la volonté de posséder un objet. Comme si posséder cet objet constituait un aboutissement… Avant qu’une nouvelle envie fasse miroiter son impérative nécessité. La publicité sait cela très bien, qui nous promène d’objet en objet.Sauf qu’on sait tout aussi bien qu’il y a aussi un désir, un élan vital, qui nous pousse vers nulle part, pour rien, qui lève en nous une irrésistible »envie » de vivre. Un élan qui ne peut susciter qu’un »encore », impossible à assouvir. Cet élan, on en prend conscience souvent quand il disparaît. Quand plus rien ne nous fait envie. Quand vient à manquer le goût de vivre. Un ressort est cassé. Qui souvent se retourne contre nous-mêmes : nous n’avons même plus le goût de nous. Ça s’appelle la dépression.
Les deux sens -convoitise et désir- sont toujours mêlés. Déjà, Bernard de Clairvaux et les moines de St Victor en avaient décrit l’inextricable entrelacs. On pense souvent la foi comme un objet de convoitise : l’avoir (le mot est révélateur) comblerait l’existence. L’absence de Dieu devient alors présence objective. Dieu devient objet de croyance religieuse. Mais on sait aussi qu’au sein même de cet enfermement se dit, foi véritable, une soif d’être. Qui ouvre sur une quête d’altérité, vers un autre insaisissable. Un « encore » adressé à la vie. Vouloir séparer le bon grain de l’ivraie, c’est tuer l’un et l’autre. Se laisser toucher par la parole de l’autre, c’est le laisser réveiller en nous le désir.
Didier Fievet