Souvent, nous sommes confrontés à la question qui agite notre époque contemporaine depuis plusieurs décennies : pourquoi Dieu est-il si silencieux ? Il y a même pire comme formulation : pourquoi Dieu nous a-t-il abandonnés ?
Et il est essentiel que nous trouvions une réponse à cette question, d’autant plus qu’elle nous angoisse, ainsi que bon nombre de chrétiens et de femmes et d’hommes de bonne volonté !
Pourtant, je nous invite à nous poser une autre question pour nous aider à cheminer vers une résolution de la question initiale : plutôt que de nous interroger sur le silence de Dieu, je nous invite à nous demander : comment Dieu a-t-il décidé de conduire le monde ? Et ceci pour mieux comprendre son œuvre et l’accepter afin de valider l’appel du Christ à être ouvriers dans sa vigne et de devenir ainsi comme des acteurs dans la pièce monumentale qu’il a ainsi écrite. Pardonnez-moi cette image tirée de mon intérêt pour le théâtre, mais je crois qu’elle nous aide à mieux comprendre ce que nous avons à faire, comme chrétiens. De plus, cette meilleure connaissance de l’œuvre de Dieu nous permet d’y être plus fidèles !
Plus nous cherchons à comprendre comment Dieu a décidé de conduire le monde, plus nous sommes invités, du fait même de notre méditation, à mieux comprendre son œuvre de création ; quand nous lisons ces versets du chapitre 1er du livre de la Genèse (1, 26 à 28), nous sommes appelés à comprendre et à accepter d’être « à l’image de Dieu, selon sa ressemblance », c’est-à-dire que nous sommes créés libres, mais en étant invités à être libres pour les autres, dans la relation confiante et aimante avec eux. Voici le premier élément constitutif du mode choisi par Dieu pour agir.
Il est temps de passer au deuxième élément, fondamental pour qui veut comprendre le mode d’action de Dieu. Ainsi l’œuvre de Dieu s’est-elle accomplie en un homme, Jésus de Nazareth, c’est-à-dire non pas dans l’action tumultueuse et pleine de puissance, mais dans l’humilité et la discrétion. Jésus a ainsi accompli les paroles du chant du serviteur souffrant d’Ésaïe 52, 13à 53, 12 : « il n’avait ni aspect, ni prestance tels que nous le remarquions, ni apparence telle que nous le recherchions… » (53, 2).
En Jésus, il y avait cette humilité du Fils à l’écoute croyante de son Père. Mais c’est précisément aussi en lui que Dieu a manifesté sa présence. Pourtant, nous avons à ne pas en rester là en tirant une fausse conséquence de son Ascension auprès de Dieu, en croyant que désormais, ce serait le temps de l’absence totale.
Et nous sommes ainsi appelés à comprendre le troisième élément de ce même mode d’action de Dieu. Car Dieu, à la suite du Christ, a envoyé son Esprit, le Saint-Esprit pour éclairer le chemin des êtres humains de son éclairante présence : désormais, nous sommes rendus capables de comprendre, grâce à la puissance du Saint-Esprit (Actes 1, 8), que l’Évangile est bien « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif d’abord, puis du Grec. » (Romains 1, 16). Ces deux puissances, celle su Saint-Esprit et celle de l’Évangile, se répondent l’une l’autre dans la discrétion et le respect de notre liberté pour nous faire découvrir la vérité de l’œuvre de Dieu qui se rend manifeste dans « une voix de fin silence » (1 Rois 19, 12), c’est-à-dire de manière discrète, en parlant au cœur de l’être humain.
Enfin, voici le quatrième élément de ce mode d’action. En Christ, Dieu nous a libérés, réconciliés avec lui et les uns avec les autres, pour que nous soyons sur cette terre, dans la même fragilité, les témoins du Christ, c’est-à-dire du « seul homme nouveau » (Éphésiens 2, 15) également formé du Juif et du Païen, à savoir de ceux qui, parmi les êtres humains, formeront son corps visible sur la terre afin de rendre un peu palpable la vérité de son œuvre de réconciliation et d’unité vraiment opérée en Christ et rendue accessible par l’œuvre du Saint-Esprit dans le cœur et l’esprit de tous ceux qui se confieront à son œuvre et accepteront d’en être, par la vie, les témoins. Pour nous, il ne s’agit donc plus seulement de parler la Parole de Dieu et de proclamer l’Évangile mais bien plus consciemment d’en montrer la vérité dans les vases d’argile que nous sommes. Et ceci en étant dans le monde « la lumière du monde » (Matthieu 5, 14), à la suite du Christ qui, aussi longtemps qu’il était dans le monde, était sa lumière (voir Jean 9, 5).
Il nous appartient donc, d’être, dans l’humilité de la confiance, ces êtres qui rendent palpable la vérité de la présence et de l’œuvre de Dieu, dans la ligne de l’humilité de la crèche et l’obéissance de la croix.
Bonne route vers la fête de Pentecôte, frères et sœurs ! bien fraternellement, malgré le confinement…
Yves NOYER