Petite anecdote entendue ce matin à la radio : « J’étais allée faire les courses pour mes parents âgés. Je suis sortie de l’épicerie, chargée de tous mes achats, j’ai trébuché et je suis tombée. Me voilà affalée, mes sacs éparpillés tout autour de moi. Deux personnes se sont précipitées vers moi. A distance je leur ai dit : on n’a pas le droit. Ne me touchez pas ! Ils m’ont répondu : on va quand même vous aider, Madame. Ils m’ont relevée… Et moi je me suis réfugiée dans l’encoignure d’une porte. Pour pleurer. » Et l’animatrice d’ajouter : « j’ai tellement été touchée d’avoir été touchée ! »Ça m’a touché. Métaphore de l’événement pascal : un dieu nous relève parce qu’il nous a touchés, au risque de sa vie. De sa mort.
Au matin de Pâques, Jésus dit à Marie de Magdala : Ne me touche pas. Car je ne suis pas encore monté près de mon père. Incohérence logique ! Car c’est bien quand il y sera monté qu’elle ne pourra plus le toucher !
Que cache le paradoxe ? Peut-être ceci : ce qui fait vivre nous touche parce qu’il demeure inaccessible.
Que cache le paradoxe ? Peut-être ceci : la foi n’est que désir. L’événement pascal creuse un trou dans l’espace et dans le temps. Fin d’un monde, avènement d’un autre monde. Ce que le langage traditionnel appelle Royaume de Dieu et Éternité. L’un et l’autre ne sont pas le prolongement de ce que nous connaissons. Ils constituent plutôt un horizon paradoxal : une trouée au coeur de la réalité. Une trouée au coeur de nous-mêmes. Là où la vie refuse d’être recluse dans des tombeaux de certitudes morales, philosophiques ou religieuses.
Une trouée au coeur de l’histoire : l’avenir est déverrouillé. Une promesse de vie s’y déploie. Et nous, nous en sommes seulement les échos. Vivants.
Didier Fievet