Ça peut sembler vrai, mais nul besoin de s’appeler Jésus pour dire cela. : c’est une brève de comptoir ! Une dame qui, visiblement, n’avait que faire des consignes de prudence gouvernementales répondait au journaliste qui interrogeait sa présence dans la file compacte d’un marché parisien : »la peur ne supprime pas le danger ». Est-ce une raison pour s’y exposer de façon délibérée ? La peur mobilise nos ressources, nos intelligences, notre vigilance et nous conduit à adopter des conduites préventives appropriées. La peur, vieil atavisme qui puise à nos racines de mammifères humanoïdes, a ses vertus qui parfois débouchent sur la vie. Mais souvent, aussi, elle détruit l’humain qui se cache en nous. Et c’est sans doute de cela dont il s’agit dans la bouche de Jésus.
Tout d’abord, le texte ne parle pas de peur mais de souci. On pourrait traduire (de façon littérale) par : « qui parmi vous qui êtes en train de vous inquiéter peut rajouter une coudée à son âge ? » À vouloir récuser tout hasard, tout destin, toute nature, toute transcendance, (appelez-le comme vous voulez !) on croit devenir maître de notre destin. Poids écrasant. On se croit libre de choisir sa vie, mais on devient incapable de choisir la vie. On se croit libre, on est juste prisonnier d’un égo tyrannique. Pensez-vous à ce point être maître de votre vie que vous en preniez un soin tel que vous oubliez de vivre ?
Se dessaisir du souci de soi, cesser de vouloir mériter sa vie… si c’était le secret d’une vie bonne ? Le coeur de la Réforme se tient dans cette proposition : Dieu nous libère du poids de ce souci. On n’a pas à gagner le droit de vivre. Dieu n’a pas à être satisfait. Car sa seule satisfaction c’est que nous soyons vivants, de gratuité. Sans rien avoir à prouver, à justifier ni à mériter.
Didier Fievet